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Le Premier Ministre Haïtien

 
 

 
Posté le 15 octobre 2009 
Par Me René Julien 
 
Tout régime parlementaire fait référence obligatoirement à un personnage clé dénommé « Premier Ministre ». Avant toute considération sur la jeune expérience haïtienne en cette matière, il est impérieux de situer l’origine de ce mot. 
 
1. Premier Ministre 
 
Le mot Premier Ministre est apparu pour la première fois dans le vocabulaire politique du monde en Grande Bretagne vers le début du 18e siècle. La terminologie « Premier Ministre » évoque la primauté de celui-ci sur les autres ministres. Il a été envisagé dans le cadre d’un changement de régime susceptible de remettre en cause la monarchie absolue. Celle-ci devait faire place nette à la monarchie constitutionnelle laquelle est inventée dans le but d’inclure à fond les citoyens dans la gestion de la chose publique.  
 
La monarchie constitutionnelle se réfère à un pouvoir politique qui remet la gestion des affaires de l’Etat à un gouvernement dirigé par un Premier Ministre. En principe, dans un système essentiellement parlementaire, le Premier Ministre est le Chef du Pouvoir Exécutif. 
 
L’expression « Premier Ministre » n’est pas employée partout. En Allemagne et en Autriche, deux pays fonctionnant sous le régime parlementaire, le Chef de l’Exécutif est appelé Chancelier. En Italie, il est désigné sous le titre de Président du Conseil. 
 
Les pays, comme le Canada, qui font partie du Commonwealth britannique, disposent d’un système parlementaire fortement inspiré de celui de la Grande Bretagne. Certains pays comme la France envisagent leur démocratie parlementaire à partir d’un Parlement tout à fait indépendant par rapport au Pouvoir Exécutif. 
 
2. Les procédés haïtiens en matière de Premier Ministre 
 
Le Premier Ministre est introduit dans l’organisation haïtienne à la faveur de la Constitution de 1987. Il y a une vingtaine d’articles dans ladite Constitution qui parle de ce Haut Fonctionnaire de l’Etat dont le protocole national a classé au deuxième rang après le Président de la République.  
 
2.1. Mécanisme de nomination du Premier Ministre Haïtien 
 
L’article 137 inséré dans la section traitant des attributions du Président de la République détermine les modalités couvrant le choix, la ratification et la nomination du Premier Ministre. Le choix du Premier Ministre est d’essence politique et place au premier plan le Chef de l’Etat.  
 
Dans le cas où il y aurait un Parti politique majoritaire au Parlement, la Constitution enjoint le Président de la République à diriger le choix vers ce Parti. A défaut, il choisi son Premier Ministre en consultation avec les Présidents des deux Chambres du Parlement. Dans les deux cas, le choix doit être ratifié par le Parlement dit la Constitution.  
 
A notre avis, en examinant ce choix, le parlement doit tenir compte non seulement des critères constitutionnels requis pour ratifier un Premier Ministre mais aussi doit s’assurer que la personnalité appelée à une si importante fonction dispose de capacités physiques, mentales, intellectuelles et politiques nécessaires pour la remplir.  
 
La Constitution n’envisage pas de soumettre le choix à chaque chambre séparément. En principe, quand la Constitution parle de parlement, sans faire état de chambre séparée, on voit le parlement réuni en assemblée nationale. En tout cas, la pratique consacre la formule de ratification par chaque chambre séparément. Si cela, jusqu’ici, n’a jamais soulevé aucune contestation au niveau de la classe politique, il y a lieu de conclure que la formule est acceptée. 
 
Quand un article de la Constitution laisse plus d’une possibilité d’application à cause de son caractère imprécis, celle qui s’impose par l’usage, par habitude ou par tradition est considérée comme « l’ordre constitutionnel accepté ». S’il y a une raison d’y revenir, il faut préparer l’opinion pour que cela ne débouche pas sur un affrontement politique. 
Dans le cas d’un Parti majoritaire, le Président a-t-il la latitude de jeter son dévolu sur n’importe quelle personnalité, membre dudit Parti – ou revient-il au Parti majoritaire de signifier au Président de la République le nom de la personnalité pressentie pour la fonction de Premier Ministre - Quelle serait la situation si un Parti majoritaire à la Chambre des députés et un autre au Sénat décideraient de s’allier juste pour porter le Président de la République à choisir le Premier Ministre dans le cadre de cette alliance ? Autant d’interrogations qui méritent une clarification légale. 
 
Quand la majorité parlementaire ne se constate pas dans le parti dont est issu le Président de la République, la France laisse ouvertes toutes les options politiques. Il a été même introduit dans le régime français, sous la présidence de François Mitterrand, la fameuse théorie de la cohabitation qui oblige le Président de la République à garder un profil bas dans la gestion des affaires publiques au profit du Premier Ministre. 
 
3. Nomination effective du Premier Ministre  
 
La personnalité choisie devient constitutionnellement premier Ministre à l’épuisement des formalités de l’article 137 de la Constitution de 1987. Cet article s’épuise avec le décret de nomination qui suit la ratification parlementaire de la personnalité choisie. Ce décret donne un caractère public et officiel à la nomination du Premier Ministre. 
 
- Pourquoi un décret présidentiel et non un arrêté ? 
Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. Nous en retenons trois : 
 
- Les articles 141 et 142 de la Constitution prévoient les types de fonctionnaires de l’Etat susceptibles d’être nommés par arrêté présidentiel. Le Premier Ministre n’y est pas concerné. Ce sont les Commandants en Chef des forces armées d’Haïti, de la police, les ambassadeurs et les consuls généraux, les délégués départementaux et vices délégués des arrondissements. 
 
- Le décret de nomination est de nature à confirmer la primauté du Premier Ministre non seulement sur les autres membres du Gouvernement mais aussi sur tous les fonctionnaires publics nommés par arrêté présidentiel. 
 
- La tendance de la Constitution de 1987 est de faire du Premier Ministre non seulement le Chef du Gouvernement mais aussi le Chef suprême de l’Administration publique. Son double statut lui confère le droit de révoquer avec l’adhésion du Président de la République, n’importe quel ministre, n’importe quel fonctionnaire nommé par arrêté présidentiel qui accuserait une négligence dans ses fonctions.  
 
Au sens de la Constitution de 1987, dès qu’on parle d’arrêter on voit un acte réalisé en conseil des ministres. Dans le cadre de la nomination d’un nouveau Premier Ministre, le conseil des ministres existant est sensé être inopérant. Dans l’intervalle, il revient au Président de la République d’assumer pleinement et effectivement l’exercice du pouvoir exécutif. Dans ce cas, il ne peut agir qu’au moyen de décret. 
 
Tous les premiers ministres français sont nommés par décret du président de la République. Etant donné que la France nous sert toujours de modèle en matière d’Etat, la règle des précédents français peut jouer dans ce cas. 
 
4. Formation du Gouvernement 
 
Le Premier Ministre chargé par la Constitution de former, en accord avec le Président de la République, son cabinet ministériel est, il n’y a aucun doute, un Premier Ministre à part entière qui doit son pouvoir à deux entités distinctes de l’Etat : la Présidence et le Parlement.  
 
En son article 158, la Constitution confère au Premier Ministre sa première attribution laquelle consiste à choisir les ministres devant former son Gouvernement. Il est de règle qu’une personne nommée à une fonction n’est habilitée à faire un seul acte de sa fonction qu’après avoir investi totalement du pouvoir d’agir dans le cadre de cette fonction. Or, un Premier Ministre non investi n’est pas autorisé constitutionnellement à faire acte de formation de son cabinet ministériel s’il ne veut pas être poursuivi pour usurpation de titre. 
 
5. Le Premier Ministre habilité à faire acte de gouvernement  
 
Après la formation du gouvernement, dans le sens prescrit par la Constitution, toutes les autres tâches que le Premier Ministre est appelé à remplir, dans le cadre de sa fonction, est subordonnée à la déclaration de sa politique générale devant les deux chambres du Parlement comme l’indique l’article 158 de la Constitution. C’est seulement, après cette importante formalité qu’il sera habilité, en tant que Chef de Gouvernement, à accomplir des actes découlant naturellement de l’énoncé de sa politique générale. 
 
Autrement, en tant que Premier Ministre, au seuil même de sa fonction, il peut se rendre passible de la Haute Cour de Justice pour violation de la Constitution. En tout cas, la sanction préférable, celle qui éviterait de dépenser trop d’énergie serait une interpellation qui devrait se terminer, de toute façon, par un vote de non confiance à l’encontre du Premier Ministre pour excès de pouvoir. 
 
Le premier Ministre est exempt de tout vote de censure sur l’énoncée de la politique générale de son Gouvernement. D’ailleurs, il est clairement dit à l’article 158 : « Le Premier Ministre … se présente devant le Parlement afin d’obtenir un vote de confiance sur sa déclaration de politique générale ». La lettre de la Constitution prévaut. Tout vote contraire peut être assimilé à un acte arbitraire.  
 
Ce n’est en fait qu’une formalité visant à mettre les parlementaires au courant des points traités dans le document y relatif. Si ces derniers y relèvent des lacunes, ils ont la faculté, du haut de la tribune du Parlement, de faire des recommandations au Premier Ministre dans l’intérêt du bien commun. Celui-ci a pour devoir d’en prendre actes aux fins utiles. Voir des parlementaires s’ériger en juge du programme que le gouvernement se propose de mettre en œuvre, au point de renvoyer le Premier Ministre, sans le voir à l’œuvre, est une absurdité politique sans pareil.  
 
Quelle que soit l’interprétation donnée à l’expression « la procédure recommence » exprimée à la fin de l’article 158, il n’y a aucun moyen de conclure au renvoi d’un Premier Ministre qui a été ratifié par le Parlement sur la base de l’article 157 de la Constitution et sur celle des critères subjectifs relevant de sa capacité à diriger un Gouvernement, sauf à remettre en question son dossier. 
 
6. Attributions du Premier Ministre 
 
Le Premier Ministre est le Chef d’un Gouvernement sans attributions mais qui a pour mission de conduire la politique de la nation. La Constitution fait reposer sur le Premier Ministre toutes les charges gouvernementales. Les autres membres du Gouvernement, Ministres et Secrétaires d’Etat ne sont que des collaborateurs du Premier Ministre car eux aussi sont dépourvus d’attributions. 
Les attributions du Premier Ministre consistent, au terme de l’article 159 de la Constitution, à faire exécuter la loi, une tâche, à la fois noble et importante, compte tenu du pouvoir qu’exerce la loi dans le bien-être humain. 
La Constitution confère au Premier Ministre d’autres attributions secondaires : 
 
1) En accord avec le Président de la République, le Premier Ministre choisit les membres de son cabinet ministériel (art. 158) ; 
2) En cas d’absence, d’empêchement temporaire du Président de la République, ou sur sa demande, le Premier Ministre préside le Conseil des Ministres (art. 159) ; 
3) De concert avec le Président de la République, le Premier Ministre est responsable de la Défense nationale (art. 159-1) ; 
4) Le Premier Ministre détient le pouvoir de nommer et de révoquer directement ou par délégation les fonctionnaires de l’Administration publique (art. 160) ; 
5) Le Premier Ministre est habilité à soutenir les projets de lois et les objections du Président de la République, il est tenu de répondre aux interpellations parlementaires (art. 161) ; 
6) Le Premier Ministre peut être chargé d’un portefeuille ministériel (art 162) ; 
7) Le Premier Ministre est responsable de l’exécution des lois (art. 163). 
 
 
6.1. Attributions communes au Premier Ministre et aux ministres 
 
1) Le Premier Ministre et les ministres ont leurs entrées aux chambres pour soutenir les projets de lois et les objections du Président de la République ; ils sont tenus de répondre aux interpellations parlementaires (art. 161) ; 
2) A l’instar des ministres, le Premier Ministre peut être chargé d’un portefeuille ministériel et de l’exécution des actes du gouvernement (art. 162) ; 
3) Le Premier Ministre et les ministres sont responsables de l’exécution des lois (art. 163). 
7. Cessation de fonctions du Premier Ministre 
 
La cessation de fonctions d’un ministre du gouvernement ou du Premier Ministre lui-même tire sa source dans l’article 129-2 de la constitution de 1987 ainsi libellé : «Le droit de questionner et d’interpeller un membre du gouvernement ou le gouvernement tout entier sur les faits et actes de l’administration est reconnu à tout membre des deux chambres». 
 
L’interpellation réalisée dans le cadre dudit article peut donner lieu à un vote de censure contre un membre du Gouvernement ou contre le Gouvernement tout entier. A l’article 129-4, nous lisons : « Lorsque la demande d’interpellation aboutit à un vote de censure sur une question se rapportant au programme ou à une déclaration de politique générale de gouvernement, le Premier Ministre doit remettre au Président de la République, la démission de son gouvernement ». Contrairement au principe général, la Constitution enjoint le Président de la République à accepter cette démission et nommer un Premier Ministre (art. 129-5). 
 
La condamnation du Premier Ministre devant la Haute Cour de Justice, son décès, sont également des causes pouvant entraîner la fin de ses fonctions.
 
 

 
 
 
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Modifié en dernier lieu le 30.12.2009